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VIE ET ŒUVRE

Le chef de la compagnie, un Polonais sorti de l’Académie militaire, avait puni Chibounine du cachot pour une faute de service quelconque et ivrognerie. En sortant de là, Chibounine, qui était employé aux écritures reçut l’ordre de son chef de préparer un rapport très urgent pour le commandant du bataillon. Chibounine, pour se donner du courage, avala une grande quantité d’eau-de-vie et quand son chef vint chercher le rapport et lui demanda s’il était prêt, Chibounine, pâle, les mains tremblantes, sans mot dire remit au chef de la compagnie le rapport, proprement recopié. Le chef examina le rapport, puis se mit à le lire. Pendant ce temps, Chibounine, sortit de l’izba, et, dans le vestibule, vida une nouvelle bouteille d’eau-de-vie, puis retourna dans le bureau. Le rapport ne plut pas au chef de la compagnie. Il le froissa et le jeta au scribe. Chibounine, excité par l’alcool, dit une grossièreté à son chef. Celui-ci, très calme, s’adressa à un caporal et dit : « Caporal, il est de nouveau ivre, emmène-le au cachot, et après l’exercice prépare les verges. » Puis, boutonnant tranquillement son gant blanc, l’officier sortit de l’izba. Chibounine le rejoignit et, le visage défiguré par la colère, lui demanda : « Pourquoi êtes-vous toujours après moi ? » L’officier ne daigna pas lui répondre.

« Vous vous taisez ! lui cria alors Chibounine, d’une voix rauque. Moi, puni des verges ! Alors attrape cela, gueule de Polonais », et il lui lança un soufflet retentissant. Ce même jour l’officier envoya deux rapports : l’un sur l’état de sa santé, l’autre sur le crime de Chibounine. Le commandant du régiment fit parvenir les rapports à qui droit. Cinq