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LÉON TOLSTOÏ

« J’ai dîné chez Botkine avec Panaiev seul. Il m’a lu du Pouschkine. Je suis allé dans la chambre de Botkine et là j’ai écrit une lettre à Tourgueniev. Ensuite je me suis assis sur le divan et j’ai sangloté, sans cause. Larmes heureuses, poétiques. Je suis absolument heureux tout ce temps, enivré de la « rapidité de l’avancement moral ».

Cette « rapidité de l’avancement moral » ne permettait pas à Léon Nikolaievitch de se contenter de cette société et de cette autorité, et il commença à chercher avidement une issue à cette situation. L’esprit inquiet manifeste toujours son inquiétude par des actes extérieurs, ainsi Tolstoï manifeste-t-il la sienne par un voyage à l’étranger, sans but défini. Voici ce qu’il écrit à ce propos dans ses Confessions, jugeant lui et son milieu avec la franchise qui le caractérise :

« J’ai vécu ainsi, m’adonnant à cette folie, encore six années, jusqu’à mon mariage. Pendant cette période, je suis allé à l’étranger. La vie en Europe et ma rencontre avec des hommes illustres et des savants européens m’affermirent encore plus dans la croyance de la perfection, car je trouvai chez eux cette même foi. Cette foi avait chez moi la forme qu’elle revêt habituellement chez la majorité des hommes instruits de notre temps. Elle s’exprimait par le mot : « progrès ». Il me semblait alors que ce mot signifiait quelque chose. Je ne comprenais pas encore, tourmenté comme chaque homme vivant par la question : Comment vivre le mieux ? qu’en