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LÉON TOLSTOÏ

reille, j’ai commencé à douter de l’influence de cette religion et me suis mis à l’examiner. La première raison du doute me vint en remarquant que les pontifes de cette religion n’étaient pas tous d’accord entre eux. Les uns disaient : « Nous autres, nous sommes les meilleurs et les plus utiles, c’est nous qui enseignons ce qu’il faut et les autres se trompent. » Les autres disaient : « Non, c’est nous qui sommes dans le vrai, les autres se trompent. » Et ils discutaient, se fâchaient, s’injuriaient, se nuisaient. En outre, parmi nous il y avait beaucoup de gens qui ne se souciaient pas de savoir qui avait raison ou tort, mais qui tout simplement atteignaient leur but lucratif avec l’aide de notre activité. Tout cela me fit douter de la véracité de notre religion.

« Ce doute me conduisit alors à observer plus attentivement ces pontifes, et j’acquis la conviction que presque tous les pontifes de cette religion, les écrivains, étaient des hommes immoraux et pour la plupart des hommes mauvais, sans caractère et bien inférieurs à ceux que j’avais rencontrés dans ma vie de bohème militaire. Mais ils étaient sûrs et contents d’eux-mêmes, comme peuvent l’être les hommes tout à fait saints ou ceux qui ignorent ce que c’est que la sainteté. Ces hommes m’inspirèrent du dégoût. J’en ressentis pour moi-même, et je compris que cette religion était une tromperie. Mais, chose étrange, bien qu’ayant vite compris tout le mensonge de cette religion et la reniant, je ne renonçai pas à ce titre d’artiste, de maître, de poète que m’a-