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LÉON TOLSTOÏ

Malgré la rudesse de ses opinions, et son irrespect des autorités, L.-N. Tolstoï était un hôte recherché et un membre très apprécié du cercle littéraire du Sovremennik.

Mais Léon Nikolaievitch, lui, n’était pas du tout satisfait de ce milieu. Et il n’en pouvait être autrement. Il suffit de relire les souvenirs des littérateurs de ce temps, par exemple ceux d’Herzen, de Panaiev, de Fet, etc., d’opinions les plus diverses, pour arriver à la triste constatation de la faiblesse morale de ces hommes qui se regardaient comme les directeurs de l’humanité. Rappelez-vous les dîners de Nekrassov, les orgies d’Herzen, de Ketcher et d’Ogariev, la gourmandise raffinée de Tourgueniev, tous ces colloques amicaux qu’on ne pouvait alors imaginer sans une quantité considérable de champagne, la chasse, les cartes, et vous serez écœuré par l’oisiveté et la vulgarité des intérêts de ces hommes qui ne voyaient pas le mal de ces orgies unies à la propagande de l’amour du peuple et du progrès universel. Au milieu de toute cette honte qui, sous une autre forme, se perpétue peut-être jusqu’à présent, s’élève une seule voix pour se dénoncer et se réprouver soi-même. L’homme qui ne pouvait supporter cette hypocrisie, était L.-N. Tolstoï. Dans ses Confessions, il donne le tableau suivant des mœurs de la société littéraire d’alors, c’est-à-dire de la société de la fin des années cinquante et du commencement des années soixante. Voici ses paroles :