« — Mais qu’ai-je à lui jalouser ? quoi ? parle ! s’écria Tourgueniev.
« — Sans doute, à vrai dire, tu n’as rien à lui envier, ton talent est égal au sien, mais on pourrait penser…
« Tourgueniev rit, et d’un ton de compassion prononça :
« — Tu es un bon observateur, Panaiev, quand il s’agit de la canaille, mais je ne te conseille pas d’exprimer tes observations en dehors de cette sphère.
« Panaiev s’offensa.
« — Je te dis cela pour ton propre bien, dit-il, et il s’en alla.
« Tourgueniev continua d’être fâché, et il disait avec dépit :
« — C’est à Panaiev seul que pouvait venir l’idée stupide que je suis jaloux de Tolstoï. Peut-être parce qu’il est comte ?
« Tout ce temps, Nekrassov parlait très peu ; il souffrait de la gorge ; il se contentait d’observer Tourgueniev :
« — Mais laisse les discussions sur ce que Panaiev a voulu dire ; est-ce qu’en effet on peut te soupçonner d’une telle absurdité[1] ? »
Tourgueniev, nature honnête, franche, plusieurs fois déclara publiquement son admiration pour le talent de Tolstoï, et dans la conversation avec un éditeur français il employa même l’expression de
- ↑ Souvenirs de Mme Golovatchov-Panaiev, p. 279.