Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 2.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
LÉON TOLSTOÏ

« — Mais qu’ai-je à lui jalouser ? quoi ? parle ! s’écria Tourgueniev.

« — Sans doute, à vrai dire, tu n’as rien à lui envier, ton talent est égal au sien, mais on pourrait penser…

« Tourgueniev rit, et d’un ton de compassion prononça :

« — Tu es un bon observateur, Panaiev, quand il s’agit de la canaille, mais je ne te conseille pas d’exprimer tes observations en dehors de cette sphère.

« Panaiev s’offensa.

« — Je te dis cela pour ton propre bien, dit-il, et il s’en alla.

« Tourgueniev continua d’être fâché, et il disait avec dépit :

« — C’est à Panaiev seul que pouvait venir l’idée stupide que je suis jaloux de Tolstoï. Peut-être parce qu’il est comte ?

« Tout ce temps, Nekrassov parlait très peu ; il souffrait de la gorge ; il se contentait d’observer Tourgueniev :

« — Mais laisse les discussions sur ce que Panaiev a voulu dire ; est-ce qu’en effet on peut te soupçonner d’une telle absurdité[1] ? »

Tourgueniev, nature honnête, franche, plusieurs fois déclara publiquement son admiration pour le talent de Tolstoï, et dans la conversation avec un éditeur français il employa même l’expression de

  1. Souvenirs de Mme Golovatchov-Panaiev, p. 279.