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VIE ET ŒUVRE

moi chez moi. Je ne me cacherai pas et déclarerai hautement que je vends ma propriété pour quitter la Russie où on ne peut savoir une minute d’avance ce qui vous attend… »

Cette lettre est très longue et remplit huit grandes feuilles.

À la fin, après avoir raconté que le colonel de gendarmerie, en partant, a menacé de nouvelles perquisitions jusqu’à ce qu’on ait trouvé quelque chose de caché, Léon Nikolaievitch ajoute :

« Il y a dans ma chambre des pistolets chargés, et j’attends comment tout cela finira…[1]. »

Je me souviens que Léon Nikolaievitch m’a raconté aussi qu’il se sentit terriblement blessé de cette immixtion de la police dans ses affaires, d’autant plus que cette visite de la police eut lieu en son absence.

Léon Nikolaievitch avait résolu de se plaindre, et, lors du passage d’Alexandre ii à Moscou, il lui remit personnellement, pendant sa promenade au jardin Alexandre, une supplique où il demandait satisfaction. L’empereur reçut la supplique et ensuite, je crois, envoya des excuses à Tolstoï par un aide de camp.

Mais les autorités ne se tinrent pas pour battues, et l’automne de cette même année commença une correspondance ridicule entre les ministères de l’intérieur et de l’instruction publique à propos de la

  1. I. Zakharine-Iakoukine : Souvenirs sur la comtesse A.-A, Tolstoï, Vestnik Evropi (Messager de l’Europe), juin 1904, p. 458.