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LÉON TOLSTOÏ

«… Je cessai la leçon parce que j’étais trop ému.

« — Qu’avez-vous ? Vous êtes très pâle. Probablement vous vous portez mal ? me demanda mon camarade. En effet, je n’ai éprouvé que deux ou trois fois dans ma vie une impression aussi forte que celle ressentie ce soir-là, et, pendant longtemps, je ne pus me rendre compte de ce que j’avais éprouvé. Il me semblait vaguement avoir, comme un criminel, guetté derrière une ruche de verre le travail des abeilles caché aux regards des mortels. Il me semblait avoir dépravé l’âme pure, primitive, d’un enfant de paysan. Je sentais vaguement le remords d’un sacrilège quelconque.

« Et, en même temps, j’éprouvais la joie que doit éprouver l’homme qui a vu ce que personne n’a jamais vu avant lui[1]. »

3o La première leçon d’histoire.

« Mon intention était d’expliquer en quoi la Russie se distingue des autres pays : les frontières, les caractères de l’État, de parler du règne actuel, de dire quand et dans quelles circonstances l’empereur monta sur le trône.

« Le maître. — Où vivons-nous ? Dans quel pays ?

« Un élève. — À Iasnaïa Poliana.

« Un autre élève. — Dans les champs.

« Le maître. — Non, pas ça. Dans quel pays se trouve Iasnaïa Poliana et toute la province de Toula ?

  1. Ib., pp. 281-282.