Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 2.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
238
LÉON TOLSTOÏ

« Siomka s’arrêta et se mit à écouter : — « Attention les enfants ! Qu’est-ce qu’il y a ? » dit-il tout à coup. Nous nous tûmes. Nous n’entendîmes rien, cependant notre crainte augmenta. — « Eh bien ! que ferons-nous s’il bondit et court après nous ? » demanda Fedka. Nous nous mîmes à parler des brigands du Caucase. Ils se rappelèrent l’histoire du Caucase que je leur avais racontée longtemps auparavant, et, de nouveau, je me mis à leur parler des Abreks, des Cosaques, d’Hadji-Mourad.

« Siomka marchait en avant, il écartait largement ses grandes bottes et balançait son large dos. Pronka voulait aller à côté de moi, mais Fedka le poussa de côté, et Pronka qui, vu sa pauvreté, se soumettait toujours à tout le monde, aux passages les plus intéressants seulement, courait de mon côté, s’enfonçant dans la neige jusqu’aux genoux.

« Quiconque a observé les enfants de paysans a remarqué qu’ils ne sont pas habitués aux caresses, aux paroles tendres et qu’ils les détestent.

« C’est pourquoi je fus particulièrement frappé quand Fedka, qui marchait à côté de moi, au passage le plus saisissant du récit, tout à coup, frôla sa manche contre ma main, puis me saisit deux doigts et ensuite ne les lâcha pas. Dès que je me taisais, Fedka me priait de continuer, si instamment et d’une voix si émue, qu’il était impossible de ne pas accéder à son désir.

— « Hé ! toi I ne te fourre pas sous les pieds ! »