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VIE ET ŒUVRE

qui nous chassions des journées entières ? Il est difficile de s’imaginer un causeur pareil. Mais je crois que le comte devait être un très mauvais arbitre territorial, à cause de sa distraction. Je me souviens, comme si c’était d’hier, du premier contrat, réglant le rapport des paysans envers le propriétaire, approuvé par lui ; la signature était, littéralement, la suivante : « À la demande d’un tel, ne sachant pas écrire, ce contrat a été signé par le paysan, un tel. » Et pas un seul nom. Le comte dictait : « Écris que tu as signé pour un tel » et le paysan avait écrit littéralement sans indiquer ni le nom des paysans, ni le sien. Le comte, sans relire ce qu’il avait écrit, renvoya le contrat, approuvé, à la Chancellerie du domaine de Toula.

« Ce contrat fut reçu par mon beau-père, membre de la chancellerie, chez qui je vivais. À la vue de ce papier il se contenta de hausser les épaules[1]

Léon Nikolaievitch était peu capable d’un travail de bureau, mais son cœur et sa raison agissaient merveilleusement dans l’œuvre de l’arbitrage territorial. C’est pourquoi son activité, même dans ces domaines, a laissé un bon souvenir. Avec un succès encore plus grand, malgré des obstacles encore plus nombreux, Léon Nikolaievitch se consacra ensuite à l’œuvre pédagogique que nous décrirons dans les chapitres suivants.

  1. Pierre D.-D. Obolensky, Souvenirs. Les Archives russes, 1894.