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VIE ET ŒUVRE

Le 23 avril 1861, après un voyage de neuf mois, il franchit la frontière russe.

Comme il fallait s’y attendre, la lourde science allemande ne satisfit point Tolstoï. Cependant il s’était appliqué, de toutes les forces de son talent et de son enthousiasme, à son étude théorique et pratique, suppléant et commentant tout ce qui n’était pas dit dans les traités par des conversations personnelles avec ses plus illustres représentants et par ses observations de la pratique de leurs méthodes dans les écoles.

L’étude de cette science affermit en Tolstoï l’idée de la nécessité de commencer tout au commencement, c’est-à-dire de garder une indépendance absolue dans l’œuvre de l’instruction publique. Et il s’adonna à cette œuvre avec toute l’ardeur qui lui était propre.

La science allemande n’avait pas facilité sa tâche, parce que ce qu’il exigeait de cette science était très élevé, et lui, en homme sincère, ne pouvait ni abaisser ses exigences, ni accepter la reconnaissance incomplète et hypocrite de ses idées.

Malgré la bonne foi très grande des savants allemands, leur activité manquait de franchise à sa base.

À la base de la science allemande comme de toute science européenne, il y avait l’aspiration, rarement avouée avec franchise, d’acquérir avant tout une situation privilégiée et les loisirs qui en sont la conséquence, afin, dans les meilleurs cas, d’employer ces loisirs à servir le peuple.