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VIE ET ŒUVRE

funérailles il m’est venu l’idée d’écrire un évangile matérialiste. La vie du Christ matérialiste. »

Dans une lettre du 17 octobre 1860, adressée à Fet, quand la première impression de la douleur s’est calmée et que la conscience a repris le dessus, Léon Nikolaievitch décrit de la façon suivante la mort de son frère :

« Je pense que vous savez déjà ce qui est arrivé. Le 20 septembre, il est mort, littéralement dans mes bras. Jamais rien ne m’a fait une impression pareille. Il disait vrai qu’il n’y a rien de pire que la mort. Et quand on réfléchit bien qu’elle est la fin de tout, il n’y a rien de pire que la vie. Pourquoi travailler, s’esquinter, si de ce qu’était Nicolas Nikolaievitch rien n’est resté ! Il ne disait pas qu’il sentait la mort venir, mais moi je savais qu’il la suivait pas à pas, et il savait certainement combien il lui restait à vivre. Quelques minutes avant de mourir, il s’assoupit. Tout à coup, il s’éveilla ; il se mit à chuchoter avec horreur : « Mais qu’est-ce que c’est ? » Il l’avait aperçu cet engloutissement de son être dans le néant. Et si lui n’a rien trouvé où s’accrocher, que trouverai-je, moi ? Encore moins. Et certainement que ni moi ni personne ne luttera autant que lui contre elle, jusqu’au dernier moment. Deux jours avant sa mort je lui disais : « Il faut te mettre les commodités dans la chambre. » — « Non, dit-il, je suis faible, mais pas à ce point. Nous lutterons encore. »

« Jusqu’au dernier moment il ne céda pas. Il