Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 2.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
147
VIE ET ŒUVRE

tout le monde et me disait : « Merci, mon ami. »

« Comprends-tu ce que cela signifiait dans nos rapports ? Je lui dis que je l’avais entendu tousser le matin, mais que je n’étais pas entré par fausse honte : « Tu as eu tort, cela m’eût consolé, » me répondit-il.

« Pour souffrir, il a souffert, mais il ne m’a dit qu’une seule fois, deux jours avant la mort, combien étaient terribles ses nuits sans sommeil : « Le matin, c’est la toux qui m’étouffe et cela dure depuis un mois ! Et quels rêves ! Dieu sait. Encore deux nuits pareilles ; c’est affreux ! »

« Il ne m’a pas dit une seule fois, nettement, qu’il sentait venir la mort. Mais, non seulement il ne le disait pas. Le jour de sa mort il s’est commandé une robe de chambre, et en même temps, quand je lui ai dit que s’il n’allait pas mieux, moi et Marie n’irions pas en Suisse, il a dit : « Crois-tu donc que j’irai mieux ? » et d’une telle voix qu’on sentait qu’il savait la vérité, mais ne la disait pas à cause de moi, alors que moi la taisais à cause de lui. Cependant, dès le matin, je savais tout et ne le quittai pas. Il est mort sans souffrances, apparentes au moins. Le lendemain je descendis dans sa chambre ; j’avais peur de découvrir son visage ; il me semblait qu’il devait être encore plus douloureux, plus effrayant que pendant sa maladie, et tu ne peux t’imaginer quel visage charmant, et quelle expression bonne, gaie, calme.

« Hier on l’a enterré ici. Un moment j’ai beaucoup