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LÉON TOLSTOÏ

Le lendemain des funérailles, il écrit sur le même sujet à son frère Serge :

« Je pense que tu as reçu la nouvelle de la mort de Nicolas. Je regrette pour toi que tu n’aies pas été là. Si terrible que ce soit, je suis heureux que tout se soit passé devant moi, et ait agi sur moi comme il le fallait. Ce n’est pas comme la mort de Mitenka, que j’ai apprise alors que je ne pensais nullement à lui. D’ailleurs c’est tout autre chose. Avec Mitenka nous étions liés par les souvenirs d’enfance et le sentiment de parenté, c’est tout. Mais lui, était pour toi et pour moi un homme que nous aimions et estimions plus que tout au monde. Tu sais ce sentiment égoïste qui nous venait les derniers temps : le plus vite sera le mieux ; et maintenant, c’est terrible d’écrire cela et de se rappeler qu’on l’a pensé.

« Jusqu’au dernier jour, grâce à sa force de caractère et à sa volonté, il a fait tout pour n’être pas une charge. Le jour de sa mort, il s’est levé et habillé seul, et le matin, je l’ai trouvé tout habillé dans son fauteuil. Ce fut seulement neuf heures avant de mourir qu’il se soumit à la maladie et demanda qu’on le déshabillât. La première fois c’était aux cabinets. Comme je descendais en bas, j’entendis sa porte s’ouvrir. Je retourne ; il n’est nulle part. D’abord je craignis de rentrer ; il n’aimait pas cela. Mais cette fois il me dit lui-même : « Aide-moi ». Et ce jour-là il fut tout autre : doux, bon. Il ne se plaignait pas, ne parlait de personne, louait