Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 2.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
VIE ET ŒUVRE

Le 20 septembre 1860, Léon Nikolaievitch écrit à sa tante :

« Chère tante, le cachet noir vous dira tout. Ce que j’attendais d’un jour à l’autre depuis deux semaines est arrivé hier soir à neuf heures. Ce n’est qu’hier seulement qu’il m’avait permis de l’aider à se déshabiller, qu’il s’était mis au lit définitivement et avait demandé une garde. — Il a eu jusqu’à la fin sa connaissance. Un quart d’heure avant de mourir, il but du lait et me dit qu’il se sentait bien. Le jour même il plaisantait encore et s’intéressait à mes affaires pédagogiques. Ce n’est qu’au moment de mourir qu’il murmura plusieurs fois : « Mon Dieu ! Mon Dieu ! » Il me semble qu’il comprenait sa situation et tâchait de se tromper et de nous tromper. Marie l’avait quitté seulement quatre heures avant, c’est-à-dire qu’elle était partie à quatre verstes d’Hyères, où elle demeure. Elle n’attendait pas la fin si vite. Je viens de lui fermer les yeux. Maintenant je serai bientôt chez vous et vous raconterai de vive voix. Je ne peux pas transporter son corps. C’est la princesse Galitzine qui s’occupe des funérailles et se charge de tout. Au revoir, chère tante, je ne puis pas vous consoler. C’est la volonté de Dieu, voilà tout ! Je n’écris pas à Serge maintenant. Il est sans doute à la chasse et vous savez où. C’est pourquoi écrivez-lui ou envoyez-lui cette lettre[1]. »

  1. Lettre en français dans l’original.