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VIE ET ŒUVRE

homme du peuple qui a la main raide et dont les doigts ne peuvent tenir la plume[1]. »

Le départ de Nicolas Nikolaievitch pour l’étranger eut lieu en effet, à la joie générale, mais peu longue, de ses amis. Il partit pour l’étranger par Pétersbourg avec son frère Serge.

Tourgueniev, qui l’aimait, s’inquiétait fort de sa santé et écrivit à Fet, de Soden, le 1er juin 1860 :

« Ce que vous m’avez raconté de la maladie de N. Tolstoï m’a profondément attristé. Est-ce que cet homme charmant, précieux, doit mourir ? Et comment a-t-on pu laisser tant progresser cette maladie ? N’a-t-il pas encore décidé de vaincre sa paresse et d’aller à l’étranger se soigner ? Il est allé au Caucase en tarentass et diable sait quoi… Pourquoi ne viendrait-il pas à Soden ? Ici, à chaque pas on rencontre des poitrinaires. Les eaux de Soden sont les meilleures pour ces maladies. Je vous dis tout cela à la distance de deux mille verstes comme si mes paroles pouvaient aider à quelque chose… Si Tolstoï n’est pas déjà parti, il ne partira pas. Voilà comment la destinée nous écrase tous ! »

Il répète la même chose dans le post-scriptum de cette même lettre.

« Si N. Tolstoï n’est pas encore parti, prosternez-vous devant lui et chassez-le à l’étranger.

  1. Istoritcheski Viestnik (Messager historique), nov. 1883, Eugène Garchine : Souvenirs sur Ivan Tourgueniev.