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VIE ET ŒUVRE

près des chevaux, d’une voix irritée il se plaignit à moi et à Borissov. « Pourquoi diable cet animal a-t-il voulu me baiser la main ? Jamais cela ne m’est arrivé[1]. »

Puisqu’il nous faudra, par la suite, parler des rapports de Léon Nikolaievitch avec son frère, durant sa vie et au moment de sa mort, nous ne croyons pas inutile de citer ici la caractéristique de cet homme remarquable, par Fet.

« Le comte Nicolas Nikolaievitch Tolstoï, qui venait chez nous presque tous les soirs, apportait avec lui un intérêt moral et une animation qu’il est très difficile de dépeindre en quelques mots. Il portait encore la tunique d’artilleur. Il suffisait de voir ses mains maigres, ses grands yeux intelligents, ses joues creuses, pour se convaincre que l’implacable phtisie s’accrochait impitoyablemant à la poitrine de cet homme bon et railleur. Malheureusement cet homme remarquable, de qui l’on peut dire non que toutes ses connaissances l’aimaient, mais l’adoraient, avait contracté au Caucase l’habitude des boissons spiritueuses, habitude si fréquente dans ce temps parmi les militaires. Bien que par la suite j’aie connu très intimement Nicolas Tolstoï et que plusieurs fois j’aie été avec lui à la chasse, où il était pour lui très facile de boire, jamais, pendant les trois années de notre connaissance, je n’ai remarqué en lui l’ombre d’ivrognerie. Parfois il approchait de la table le fauteuil où il était assis et

  1. Fet, Mes Souvenirs, 1re partie, p. 326.