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VIE ET ŒUVRE

veuse de sa femme. » Dans les questions difficiles, Tatiana Alexandrovna s’adressait à « Léon » et se tranquillisait tout à fait après sa décision. Ainsi, allant un jour en automne, avec lui, à Toula, elle se pencha à la portière de la voiture et tout d’un coup demanda : « Mon cher Léon, comment écrit-on par le télégraphe ? »

« Il me fallut, racontait Tolstoï, lui expliquer très simplement le fonctionnement de l’appareil télégraphique, et à la fin entendre : « Oui, oui, je comprends, mon cher. » Puis après être restée les yeux fixés une demi-heure sur le fil, elle me demanda alors : « Mon cher Léon, que signifie cela ? Pendant toute une demi-heure, je n’ai pas vu une seule lettre courir sur le fil ? »

« Nous restons parfois des mois entiers, moi et ma tante, sans voir personne, racontait Léon Nikolaievitch, et tout d’un coup, en me passant la soupe, la tante dit : « Mais savez-vous, cher Léon, on dit…[1]. »

Citons ici une partie des souvenirs de L.-N. Tolstoï sur cette femme remarquable qui eut sur lui une si grande influence :

« Je me rappelle les longues soirées d’automne et d’hiver, et j’en ai gardé un souvenir exquis. C’est à ces soirées que je dois les meilleures de mes pensées, les meilleurs mouvements de mon âme. Assis dans un fauteuil, on lit, on réfléchit ! Ce mémorable fauteuil est encore chez moi, mais ce n’est

  1. Fet, Mes Souvenirs.