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VIE ET ŒUVRE

le développement bruyant, hâtif, de la civilisation. Qui est plus humain ou plus barbare, de ce lord qui, en apercevant l’habit usé du chanteur, s’est enfui furieux de la table et ne lui a pas donné, pour son travail, la millionnième partie de sa fortune, et maintenant, après avoir bien mangé, assis dans une belle chambre claire, juge tranquillement les affaires de la Chine et justifie les meurtres commis là-bas, ou de ce petit chanteur, qui, en risquant la prison, avec vingt sous dans sa poche, depuis vingt ans, ne faisant de mal à personne, va dans la montagne et la vallée, consolant les hommes par son chant, qu’on a offensé, presque chassé aujourd’hui, et qui, fatigué, affamé, honteux, s’en est allé dormir quelque part sur la paille pourrie[1]… »

De Lucerne Léon Nikolaievitch poursuit son chemin sur le Rhin, à Schaffouse, Baden, Stuttgard, Francfort et Berlin.

Le 8 août, il est déjà à Stettin, et, de là, par bateau, le 11 août (30 juillet) il arrive à Pétersbourg.

À Pétersbourg il resta une semaine, et fréquenta le cercle du Sovremennik ; chez Nekrassov, entre autres, il lut son récit de Lucerne, qui parut dans le numéro de septembre de cette même année 1857.

Le 6 août, vieux style, il part pour Moscou et sans presque s’arrêter va à Toula.

  1. Œuvres complètes du Comte L.-N. Tolstoï. Édition P.-V. Stock. Du Journal du prince Nekhludov, tome v, page 185.