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VIE ET ŒUVRE

nonçais ces vers, et, après m’avoir écouté, il échangea un regard très important avec Iazikov, qui était là. Je compris qu’il trouvait quelque chose de bien à ma diction et j’en étais ravi. Je me rappelle ses gaies plaisanteries et les récits pendant le dîner et le souper, et comment ma grand-mère, ma tante et nous, les enfants, riions en l’écoutant. Je me rappelle encore ses voyages à la ville, et cet air fier et beau qu’il avait lorsqu’il s’habillait de la jaquette et du pantalon étroit. Mais je me le rappelle surtout en tant que chasseur. Je me rappelle ses parties de chasse ; plus tard, il me sembla toujours que Pouschkine avait écrit d’après lui le départ du mari pour la chasse, dans le Comte Nouline. Je me souviens comment nous allions nous promener avec lui et comment les jeunes lévriers le suivaient en jouant sur la prairie où l’herbe haute leur chatouillait le ventre, comment ils couraient en rond, leurs queues de côté, et comment mon père les admirait.

« Je me rappelle comment, un 1er septembre, jour de fête des chasseurs, nous partîmes tous en break dans le bois où était pisté un renard, comment la chasse à courre le poursuivit, et, quelque part où nous ne le croyions pas, les limiers le saisirent. Je me rappelle avec une acuité particulière la chasse au loup. C’était près de la maison même. Nous tous, à pied, sortîmes pour regarder. On amena sur une charrette un grand loup gris, les pattes et la gueule ligotées. Il était couché immobile et regardait de