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VIE ET ŒUVRE

trait reconnaissant de dix ou quinze roubles qu’on lui donnait.

« Après la campagne, mon père, désenchanté du service militaire, comme on le voit par ses lettres, prit sa retraite et s’installa à Kazan, où mon grand-père était encore gouverneur. Là vivait aussi la sœur de mon père, Pélagie Ilinichna, mariée à Uchkov. Mon grand-père mourut peu après à Kazan et mon père se trouva héritier d’une succession insuffisante pour payer les dettes, avec sa vieille mère, habituée au luxe, sa sœur et sa cousine sur les bras. C’est alors qu’on lui fit épouser ma mère, et il s’installa à Iasnaia Poliana, où, après être resté neuf années en ménage, il devint veuf et où, déjà à ma mémoire, il vécut avec nous.

« Mon père était de taille moyenne, bien bâti, sanguin et très vif ; il avait le visage agréable et les yeux toujours tristes. Il s’occupait de l’exploitation, à laquelle, il me semble, il ne comprenait pas grand chose, mais pour laquelle il avait une qualité rare alors : non seulement il n’était pas cruel, mais il était plutôt faible ; de sorte que de son temps je n’ai jamais entendu parler de corrections corporelles. Probablement qu’elles se pratiquaient ; à cette époque il était très difficile de s’imaginer l’administration sans l’emploi de ces punitions, mais elles étaient sans doute rares et mon père y prenait si peu de part que nous, ses enfants, n’avons jamais eu l’occasion d’en entendre parler.

« Ce n’est qu’après la mort de mon père que j’ai