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VIE ET ŒUVRE

ne visitait Iasnaia Poliana. Toute la vie de ma mère se passait dans les occupations avec les enfants, les lectures du soir, à haute voix, des romans pour ma grand’mère, les lectures sérieuses, comme l’Émile de Rousseau, et des discussions sur les choses lues, le piano, les leçons d’italien qu’elle donnait à une de mes tantes, les promenades et les soins du ménage.

« Dans toutes les familles il y a des périodes sans maladies ni décès, si bien que tous les membres de la famille vivent dans la quiétude. Il me semble que c’est une pareille période que traversa ma mère dans la famille de son mari : personne ne mourut, personne ne fut sérieusement malade ; les affaires dérangées de mon père se remettaient, tous étaient bien portants, gais et unis. Mon père égayait tous par ses récits et ses plaisanteries. Je n’ai déjà plus trouvé ce temps quand je commençai à prendre conscience : la mort de ma mère avait déjà mis son cachet sur notre vie de famille.

« J’ai décrit tout cela d’après les récits et les lettres. Maintenant j’écrirai ce que j’ai vécu et me rappelle. Je ne parlerai pas des souvenirs vagues de l’enfance dans lesquels on ne peut encore distinguer la réalité du rêve ; je continuerai par ce que je me rappelle nettement, le lieu et les personnes qui entourèrent mes premières années. Parmi ces personnes mon père, non par son influence sur moi, mais par mes sentiments envers lui, occupe sans conteste la première place.