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LÉON TOLSTOÏ

« Telle était l’image spirituelle que je me faisais de ma mère. Elle me paraissait un être si supérieur, si pur, si moral, que souvent, au cours de ma vie d’homme, pendant la lutte contre les tentations, je priais son âme, lui demandant de m’aider. Et cette prière me soulageait toujours beaucoup.

« Comme j’en puis juger par les lettres et les récits, la vie de ma mère dans la famille de mon père était très heureuse et très bonne. La famille de mon père se composait de ma grand-mère, de sa fille, ma tante, la comtesse Alexandra Ilinitchna Osten-Saken, et sa fille adoptive Pachenka ; d’une parenté très éloignée Tatiana Alexandrovna Ergolskï, que nous appelions aussi notre tante : elle avait été élevée chez mon grand-père et passa toute sa vie dans notre famille ; de mon père, et du précepteur Féodor Ivanovitch Rossel, que j’ai dépeint assez exactement dans l’Enfance. Nous étions cinq enfants : Nicolas, Serge, Dmitri, moi, le cadet, et une sœur plus jeune, Machenka, dont la naissance coûta la vie de ma mère.

« La vie conjugale très courte de ma mère — pas plus de neuf ans il me semble, — fut très heureuse et très bonne. Cette vie était très remplie et agrémentée par l’amour pour elle de tous ceux qui l’entouraient, et réciproquement.

« D’après les lettres, je crois qu’elle vivait très retirée. Presque personne, sauf des amis très intimes : les Ogarev et les parents qui passaient par hasard sur la grand route et venaient chez nous,