Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 1.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.
53
VIE ET ŒUVRE

indéfinissable, quelquefois j’envie leurs illusions, que je n’ai plus, mais dont je connais la douceur : disons-le franchement, le bonheur solide et réel de l’âge mûr vaut-il les charmantes illusions de la jeunesse où tout est embelli par la toute-puissance de l’imagination ? Et quelquefois je souris de leur enfantillage[1]. »

« Sa troisième passion, la plus forte, fut son amour pour mon frère aîné, Coco, pour qui elle écrivait en russe le journal de sa conduite, y notant tous ses défauts ; et elle le lui lisait. De ce journal se dégage son désir passionné de faire tout son possible pour la meilleure éducation de Coco, et, en même temps, l’indication très vague des moyens à employer pour cela. Ainsi, par exemple, elle le blâme parce qu’il est trop sensible et pleure à la vue des souffrances des animaux. L’homme, selon elle, doit être très ferme. Un autre défaut qu’elle tâche de corriger en lui, c’est qu’il s’embarrasse pour des choses très simples et au lieu de « bonsoir » ou « bonjour », il dit à sa grand-mère : « Je vous remercie. »

« Le quatrième sentiment fort de ma mère fut, au dire de ma tante, et je désirerais beaucoup que ce fût vrai, son amour pour moi qui remplaça celui qu’elle témoignait à Coco, car, au moment de ma naissance, il était déjà séparé de ma mère et se trouvait entre des mains d’homme. Elle avait besoin d’aimer quelqu’un et un amour remplaçait l’autre.

  1. Lettre en français dans l’original.