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VIE ET ŒUVRE

« Encore un trait qui différenciait ma mère de son milieu, c’était la franchise et la simplicité du ton de ses lettres. À cette époque, c’était la mode des lettres exprimant des sentiments exagérés. « Incomparable », « mon adorée », « joie de ma vie » étaient les épithètes les plus répandues entre proches, et plus elles étaient pompeuses, moins elles étaient sincères. Ce trait, bien qu’assez légèrement, se remarque dans les lettres de mon père. Il écrit : « Ma bien douce amie. Je ne pense qu’au bonheur d’être auprès de toi. »

« Je doute que ce fût tout à fait sincère. Tandis qu’elle écrit toujours : « Mon bon ami » et, dans une de ses lettres elle dit tout simplement : « Le temps me paraît long sans toi, quoique, à dire vrai, nous ne jouissons pas beaucoup de ta société quand tu es ici. »

Et elle signe toujours : « Ta dévouée Marie. »

« Ma mère passa son enfance tantôt à Moscou, tantôt à la campagne avec l’homme fier, intelligent et talentueux qu’était mon grand-père Volkonskï.

« On m’a dit que ma mère m’aimait beaucoup et m’appelait : « Mon petit benjamin. »

« Je pense que l’amour pour son fiancé mort, précisément parce qu’il se termina par la mort, fut cet amour poétique que les jeunes filles n’éprouvent qu’une fois. Son mariage avec mon père avait été fait par ses parents et ceux de mon père. Elle était riche, déjà pas toute jeune, orpheline, tandis que mon père était un jeune homme gai, brillant, avec