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LÉON TOLSTOÏ

mon frère, de qui Tourgueniev a dit si justement « qu’il n’avait pas ces défauts qui sont nécessaires pour être un grand écrivain ».

« Ce même fait, je l’ai retrouvé dans les lettres de ma mère. Moralement, elle était indiscutablement supérieure à mon père et à sa famille, à l’exception peut-être de Tatiana Alexandrovna Ergolskï, avec laquelle j’ai passé la moitié de ma vie et qui était une femme remarquable par ses qualités morales.

« En outre, chez tous deux existait un autre trait qu’expliquait, je pense, leur indifférence pour les jugements des hommes : c’est qu’ils ne disaient jamais de mal de personne. J’en suis sûr pour mon frère avec qui j’ai passé la moitié de ma vie. La plus mauvaise opinion d’un homme s’exprimait chez mon frère par une bonne humeur et un bon sourire. Je vois la même chose d’après les lettres de ma mère et l’ai entendu de ceux qui l’ont connue.

« Dans la Vie des Saints, de Dmitri Rostovsky, il y a un récit qui m’a toujours beaucoup touché. C’est la description très courte de la vie d’un moine qui avait, au su de tout le couvent, beaucoup de défauts, et, qui malgré cela, apparut en rêve au supérieur, occupant dans le paradis la première place parmi les saints. Le vieillard, étonné, demanda par quelles pratiques il avait mérité cette récompense. On lui répondit : Parce qu’il n’a jamais médit.

« S’il existe une récompense pareille, je pense que ma mère et mon frère l’ont reçue.