Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 1.djvu/378

Cette page a été validée par deux contributeurs.
318
LÉON TOLSTOÏ

Voici ce que Léon Nikolaievitch dit lui-même de ce compte-rendu dans son article « Quelques mots à propos du roman Guerre et Paix »[1] : « Après la prise de Sébastopol, le chef de l’artillerie, Krijanovsky, m’envoya les rapports des officiers d’artillerie de tous les bastions et me demanda, de faire de ces vingt rapports un seul. Je regrette de n’en pas avoir pris la copie. C’était le meilleur spécimen de ce mensonge naïf, nécessaire, avec lequel se composent les descriptions. Je pense que plusieurs de mes camarades qui ont fait alors ces rapports, s’ils lisent ces lignes, riront en se souvenant comment, par ordre des chefs, ils ont écrit des choses qu’ils ne pouvaient savoir. »

Pendant le service militaire, Tolstoï avait parfois des chocs avec ses chefs et ses camarades. La cause en était son amour de la justice. Selon les coutumes d’alors, les commandants des diverses sections de l’armée, et de ce nombre les commandants de batterie, recevaient l’argent du trésor pour l’entretien de la batterie, et pouvaient garder pour eux tout ce qu’ils économisaient. Pour la plupart des commandants, c’était une source de jolis revenus, et sans doute y avait-il beaucoup d’abus.

Tolstoï, ayant constaté, après avoir fait ses comptes, un excédent d’argent du trésor, l’inscrivit en recettes, c’est-à-dire ne se l’appropria point. Cet acte provoqua sans doute le mécontentement

  1. Œuvres complètes du comte L. Tolstoï, L.-V. Stock, éditeur, vol. xvi, p. 457.