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VIE ET ŒUVRE

je puis m’en rendre compte, c’était une femme peu instruite et peu intelligente. À la mode d’alors, elle savait beaucoup mieux le français que le russe (son instruction s’arrêtait là). Elle fut toujours très gâtée, d’abord par son père, puis par son mari, et ensuite, comme je l’ai vu personnellement, par son fils. De plus, en qualité d’aînée de la famille, elle jouissait du grand respect de tous les Gortchakov : de l’ancien ministre de la guerre, Nicolas Ivanovitch, ainsi que d’André Ivanovitch et des fils du fameux libre-penseur Dmitri Pétrovitch : Pierre, Serge et Michel, celui de Sébastopol. Mon grand-père, Ilia Andréievitch, me paraît aussi avoir été un homme borné, mais très doux, très gai et non seulement généreux, mais prodigue, et principalement très confiant.

« Dans sa propriété — Polianï, pas Iasnaia Poliana, mais Polianï, du district de Believ, c’était sans cesse des spectacles, des bals, des dîners, ce qui, joint au penchant de mon père pour le gros jeu à l’hombre et au whist, qu’il jouait mal, à son habitude de prêter à tout venant, sans jamais se faire rembourser et, principalement, aux entreprises qu’il faisait, fut cause que la grande propriété de sa femme fut bientôt criblée de dettes, qu’il n’y avait plus de quoi vivre et mon grand-père dut solliciter, et obtint, grâce à ses relations, le poste de gouverneur de Kazan.

« Mon grand-père, m’a-t-on raconté, ne prenait point de pots de vin, sauf du fermier de l’alcool,