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VIE ET ŒUVRE

faits de sa vie militaire pendant le dernier hiver 1854-1855.

« Bien que tu saches probablement par les nôtres où je suis et ce que je fais, je te redirai mes aventures depuis Kichinev, d’autant plus qu’il sera peut-être intéressant pour toi de savoir la manière dont je les raconte ; tu sauras par là dans quelle phase je me trouve, puisqu’il est convenu qu’on se trouve toujours dans une phase quelconque. De Kichinev, le 1er novembre, j’ai demandé à partir en Crimée, d’une part pour voir cette guerre, de l’autre pour m’arracher à l’état-major de Serjpoutovskoï qui me déplaisait, et surtout par patriotisme qui, en ce moment, je te l’avoue, m’a saisi fortement. J’ai laissé aux autorités de disposer de mon sort. En Crimée, on m’a nommé dans la batterie à Sébastopol même, où j’ai passé un mois très agréable parmi des camarades simples et bons, qui sont surtout bons pendant la guerre et le danger. En décembre, on a envoyé notre batterie à Simféropol et là-bas j’ai vécu un mois et demi dans une maison de campagne très confortable. J’allais à Simféropol danser et jouer du piano avec des demoiselles et chasser les biches sauvages dans les forêts de Tchatirdag. En janvier, nouvelle permutation d’officiers : je fus nommé dans la batterie qui campait à dix verstes de Sébastopol, sur le Belbek. Là j’ai passé le temps très péniblement. C’est le cercle le plus vilain des officiers de la batterie. Le commandant, bien que brave homme, est très grossier. Aucun confort dans