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LÉON TOLSTOÏ

brillant, non seulement de l’histoire russe, mais de l’histoire universelle. Plus de quinze cents canons, deux jours durant, ont tiré sur la ville et non seulement ils ne l’ont pas forcée de se rendre, mais ils n’ont pas même fait taire un deux centième de nos batteries. Si, comme il me semble, en Russie, on regarde cette campagne d’un œil malveillant, la postérité la placera au-dessus de toutes. N’oublie pas qu’avec des forces égales et même moindres, avec la baïonnette seule et les plus mauvaises troupes de l’armée russe (le 6e corps), nous combattons contre un ennemi numériquement supérieur, qui a une flotte, avec trois mille canons, qui est merveilleusement armé et met en ligne ses meilleures troupes. Et je ne parle pas de la supériorité de ses généraux.

« Il n’y a que notre armée capable de rester sans broncher et de vaincre (nous vaincrons, j’en suis sûr) dans de telles conditions. Il faut voir les prisonniers français et anglais (surtout ces derniers), ce sont des hommes de choix, moralement et physiquement ; un peuple brave. Les Cosaques disent que c’est même pitié de les sabrer. Et à côté d’eux, il faut voir un de nos fantassins quelconques, petit, pouilleux, ratatiné…

« Maintenant je te raconterai comment tu sauras de moi, par la presse, les exploits de ces héros pouilleux et ratatinés. Dans notre état-major d’artillerie, qui est composé, comme je crois te l’avoir écrit, d’hommes très distingués et honnêtes, est parue l’idée d’éditer une revue militaire desti-