ayant la seule chance de réparer nos revers par cet assaut, il reçoit le contre ordre du maréchal au moment de le commencer. Eh bien, le prince n’a pas eu un moment de mauvaise humeur, lui qui est si impressionnable ; au contraire, il a été content de pouvoir éviter cette boucherie dont il devait porter la responsabilité et tout le temps de la retraite qu’il a dirigée lui-même, ne voulant passer qu’avec le dernier des soldats, qui s’est faite avec un ordre et une exactitude remarquables, il a été plus gai qu’il n’a jamais été. Ce qui contribuait beaucoup à sa bonne humeur c’était l’émigration de près de 7000 familles bulgares que nous prenons avec nous pour le souvenir de la férocité des Turcs, férocité à laquelle, malgré mon incrédulité, j’ai été obligé de croire. Dès que nous avons quitté les différents villages bulgares que nous occupions, les Turcs y sont revenus et, excepté les femmes assez jeunes pour un harem, ils ont fait main basse sur tout ce qu’il y avait. Il y a un village dans lequel je suis allé du camp pour y prendre du lait et des fruits qui a été exterminé de la sorte. Alors, dès que le prince avait fait savoir aux Bulgares que ceux qui voulaient pouvaient avec l’armée passer le Danube et devenir sujets russes, tout le pays se soulève et tous, avec leurs femmes, enfants, chevaux, bétail, arrivent au pont ; mais comme il était impossible de les prendre tous, le prince a été obligé de refuser à ceux qui sont venus les derniers et il fallait voir comme cela le chagrinait. Il recevait toutes les députations qui
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VIE ET ŒUVRE