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LÉON TOLSTOÏ

scène — les frères, surtout l’un qui sera souvent avec vous, Nicolas — vieux garçon, chauve, retiré du service, toujours aussi bon, aussi noble.

« J’imagine comment, comme dans l’antiquité, il racontera aux enfants les contes de son invention, comment les enfants baiseront ses mains replètes (mais qui le valent), comment il jouera avec eux, comment la femme travaillera à la confection de son plat favori, comment nous causerons des souvenirs convenus des temps lointains ; comment vous resterez assise à votre place ordinaire, et vous écouterez avec plaisir ; comment vous nous appellerez, nous, les vieux, comme autrefois, Lovotchka, Nikolenka et comment vous me gronderez parce que je mange avec les mains et lui, parce que ses mains sont sales.

« Si on me faisait empereur de Russie, si on me donnait le Pérou, en un mot si une fée venait avec sa baguette me demander ce que je désire — la main sur la conscience, je répondrais que je désire seulement que ce rêve puisse devenir une réalité. Je sais que vous n’aimez pas faire des plans sur l’avenir.

« Mais quel mal y a-t-il ? et cela fait tant de plaisir. Je crains d’avoir été égoïste et d’avoir fait trop petite votre part de bonheur. Je crains que les malheurs passés, mais qui ont laissé des traces trop sensibles dans votre cœur, ne vous empêchent de jouir de cet avenir qui aurait fait mon bonheur. Chère tante, dites-moi, seriez-vous heureuse ? Tout