Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 1.djvu/299

Cette page a été validée par deux contributeurs.
243
VIE ET ŒUVRE

et la bouche béante. Nous nous rappelons les personnes qui nous ont été chères et qui ne sont plus ; vous pleurerez, j’en ferai de même, mais ces larmes seront douces : nous causerons des frères qui viendront nous voir de temps en temps et la chère Marie qui passera aussi quelques mois à Iasnaia qu’elle aime tant, avec tous ses enfants. Nous n’aurons point de connaissances — personne ne viendra nous ennuyer et faire des commérages. C’est un beau rêve, mais ce n’est pas encore tout ce que je me permets de rêver. Je suis marié — ma femme est une personne douce, bonne, aimante ; elle a pour vous le même amour que moi ; nous avons des enfants qui vous appellent grand’maman ; vous habitez la grande maison en haut, la même chambre que jadis habitait grand’maman. Toute la maison est dans le même ordre qu’elle a été du temps de papa et nous recommençons la vie, seulement en changeant de rôle, vous prenez le rôle de grand’maman, mais vous êtes encore meilleure, moi, le rôle de papa, mais je désespère de jamais le mériter ; ma femme celui de maman ; les enfants le nôtre ; Marie le rôle des deux tantes, leurs malheurs exceptés, même Gacha prend le rôle de Prascovie Ilinichna. Mais il manquera un personnage pour prendre le rôle que vous avez joué dans notre famille — jamais il ne se trouvera une âme aussi belle, aussi aimante que la vôtre. Vous n’avez pas de successeur. Il y aura trois nouveaux personnages qui paraîtront de temps en temps sur la