que vous demandez à Dieu de mettre un terme à votre existence qui vous semble si insupportable et isolée, pardon, chère tante, mais il me paraît qu’en disant cela, vous offensez Dieu et moi et nous tous qui vous aimons tant. Vous demandez à Dieu la mort, c’est-à-dire, le plus grand malheur qui puisse m’arriver (ce n’est pas une phrase, mais Dieu m’est témoin que les deux plus grands malheurs qui puissent m’arriver, ce serait votre mort ou celle de Nicolas — les deux personnes que j’aime plus que moi-même), que resterait-il pour moi si Dieu exauçait votre prière ? Pour faire plaisir à qui voudrais-je devenir meilleur, avoir de bonnes qualités, avoir une bonne réputation dans le monde ? Quand je fais des plans de bonheur pour moi, l’idée que vous partagerez et jouirez de mon bonheur m’est toujours présente ; quand je fais quelque chose de bon, je suis content de moi-même, parce que je sais que vous serez contente de moi. Quand j’agis mal, ce que je crains le plus c’est de vous faire chagrin. Votre amour est tout pour moi, et vous demandez à Dieu qu’il nous sépare ? Je ne puis vous dire le sentiment que j’ai pour vous, la parole ne suffit pas pour vous l’exprimer et je crains que vous ne pensiez que j’exagère, et cependant, je pleure à chaudes larmes en vous écrivant. C’est à cette pénible séparation que je dois de savoir quelle amie j’ai en vous, combien je vous aime. Mais est-ce que je suis le seul, à avoir un sentiment pour vous, et vous demandez à Dieu de mourir ! Vous dites
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VIE ET ŒUVRE