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VIE ET ŒUVRE

une autre affaire, alors nous pourrions nous comprendre, alors je pourrais être heureux[1] ! »

Mais il ne pouvait devenir Loukachka, c’est pourquoi il ne pouvait trouver là le bonheur.

En septembre, il écrit à sa tante une lettre dans laquelle on entrevoit déjà clairement le futur écrivain. Ce qui frappe particulièrement, c’est le sérieux qu’il met pour exprimer sa pensée. Probablement que déjà dans sa tête était une foule d’idées et d’images, et avec difficulté il choisissait celles qu’il pouvait exprimer sur le papier. Voici comment il exprime ses sentiments.

« Vous m’avez dit plusieurs fois que vous n’avez pas l’habitude d’écrire des brouillons pour vos lettres ; je suis votre exemple, mais je ne m’en trouve pas aussi bien que vous, car il m’arrive fort souvent de déchirer mes lettres après les avoir relues. Ce n’est pas par fausse honte que je le fais — une faute d’orthographe, un pâté, une phrase mal tournée ne me gênent pas, mais c’est que je ne suis pas parvenu à savoir diriger ma plume et mes idées. Je viens de déchirer une lettre que j’avais achevée pour vous, parce que j’y avais dit beaucoup de choses que je ne voulais pas vous dire et rien de ce que je voulais vous dire. Vous croyez peut-être que c’est dissimulation et vous direz qu’il est mal de dissimuler avec les personnes qu’on aime et dont on se sent aimé. J’en conviens, mais convenez

  1. Œuvres complètes du comte L.-N. Tolstoï. P.-V. Stock, éditeur, tome iii, les Cosaques, pp. 245-246-247-248-249.