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LÉON TOLSTOÏ


Ces élans d’enthousiasme religieux souvent font place à l’angoisse et à l’apathie. Ainsi, le 2 juillet, dans le même Starï-Iourt, Léon Nikolaievich écrit dans son journal :

« Tout à l’heure, en me rappelant tous les moments désagréables de ma vie qui, seuls, pendant la nuit, me viennent en tête, j’ai pensé : Non… Il y a trop peu de plaisir pour aimer la vie… L’homme est trop capable de s’imaginer le bonheur et trop souvent, pour rien, le sort nous frappe trop durement, touche les cordes les plus sensibles. Et puis je sens quelque chose de très doux et de très grand dans cette indifférence de la vie et je jouis de ce sentiment, bien que j’aie beau me paraître fort contre tout, en face de tout, avec la ferme conviction qu’ici il n’y a rien à attendre, sauf la mort. Et tout à l’heure je pensais avec plaisir que j’ai commandé une selle sur laquelle je monterai à cheval ; je songeais à la cour que je ferai aux femmes cosaques, et au désespoir que j’aurais si ma moustache gauche se soulevait plus que la droite, et que, pendant deux heures, je l’arrangerais devant le miroir. »

Léon Nikolaievich devait souvent changer le lieu de son habitation. Le quartier général et l’état-major de la batterie où servait son frère se trouvaient à Staroglavodskaia, mais souvent on l’envoyait à Starï-Iourt, à l’avant-garde, et Léon Nikolaievich l’accompagnait. Et ces stanitza et ces aouls sont devenus des lieux historiques. C’est là que virent le jour ses premières œuvres artistiques.