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VIE ET ŒUVRE

Dieu, l’amour grand qui unit en lui tout le bon, qui nie tout le mauvais. Combien ce m’était pénible de regarder tous les côtés mesquins, vicieux de la vie ! Il m’était impossible de comprendre comment ils pouvaient m’attirer. De tout mon cœur je priais Dieu de m’accepter dans son sein. Je ne sentais pas la chair. J’étais… mais non, le côté charnel, misérable a vaincu de nouveau, et une heure à peine s’était écoulée que, presque consciemment, j’écoutais la voix du vice, de l’ambition, de la vanité de la vie. Je savais d’où venait cette voix, je savais qu’elle détruisait mon bonheur. J’ai lutté et succombé, je me suis endormi en rêvant de la gloire et des femmes. Mais je ne suis pas coupable, c’était plus fort que moi.

« Le bonheur éternel n’est pas possible ici-bas. Les souffrances sont nécessaires. Pourquoi ? Je ne sais. Et comment osé-je dire que je ne sais pas ? Comment osé-je penser qu’on peut pénétrer les desseins de la Providence ? Elle est la source de la raison et la raison veut comprendre… La raison se perd dans les abîmes de la sagesse et le sentiment craint de le blesser. Je remercie Dieu pour ce moment de bonheur, pour m’avoir montré ma petitesse et ma grandeur. Je veux prier, mais je ne sais pas ; je veux comprendre, mais je n’ose pas. Je m’abandonne à Ta volonté !

« Pourquoi écris-je tout cela ? Comme l’expression de mes sentiments est petite, misérable, stupide, et ils étaient si grands ! »