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LÉON TOLSTOÏ

fois dans sa vie. Il me fallait payer ma liberté (il n’y avait personne pour me fouetter, c’est le principal malheur) et ma philosophie ; et voilà, je paie. Aie pitié ; fais des démarches pour me tirer de cette situation fausse et pénible dans laquelle je suis maintenant : pas un sou et des dettes du haut en bas.

« Tu sais probablement que toutes nos troupes partent à la guerre et qu’une partie (deux corps) a franchi la frontière et même, dit-on, est déjà à Vienne. J’ai déjà subi avec succès deux épreuves. Mais maintenant j’ai changé d’avis et vais rentrer comme sous-officier dans les Cavaliers-gardes. J’ai honte de t’écrire cela parce que je sais que tu m’aimes et que toutes mes folies et ma légèreté t’attristent. Plusieurs fois même je me suis levé et j’ai rougi en écrivant cette lettre, ce que tu feras en la lisant. Mais que faire ? On ne peut changer le passé et l’avenir dépend de moi. Dieu permettra que je me corrige et devienne un jour un homme distingué. Je fonde beaucoup d’espoirs sur le service militaire ; il m’habituera à la vie pratique. Bon gré mal gré, il me faudra servir jusqu’au grade d’officier. Avec de la chance, c’est-à-dire si la garde prend part à l’action, je puis être promu avant le délai de deux ans. La garde part en campagne à la fin de mai. Et maintenant je ne puis rien faire parce que, premièrement, je n’ai pas l’argent qu’il me faudrait, pas beaucoup ; et, deuxièmement, mes deux certificats de naissance sont à Iasnaia. Fais-les-moi