que j’essayais d’exprimer ce qui était mon désir le plus intime : être moralement bon, je rencontrais le mépris, la raillerie, et aussitôt que je m’adonnais aux passions mauvaises, on me louait et m’encourageait.
« L’ambition, l’amour du pouvoir, le lucre, la lubricité, l’orgueil, la colère, la haine, tout cela était respecté.
« En m’adonnant à ces passions, je devenais semblable aux grands, et je sentais que tous étaient contents de moi. Ma bonne tante, la créature la plus pure, chez qui je vivais, me disait toujours qu’elle ne me désirait rien autant qu’une liaison avec une femme mariée : « Rien ne forme un jeune homme comme une liaison avec une femme comme il faut. » Elle me souhaitait encore un autre bonheur : d’être aide de camp, et de préférence près de l’empereur, et, pour comble de la félicité, d’épouser une jeune fille très riche, afin que par ce mariage je pusse avoir beaucoup de serfs.
« Je ne puis me rappeler ces années sans horreur, sans dégoût, sans souffrance. J’ai tué des hommes à la guerre ; j’ai provoqué en duel pour tuer ; j’ai perdu de l’argent aux cartes ; j’ai mangé le travail des paysans ; je les ai maltraités ; j’ai été plongé dans la débauche ; j’ai menti. Le mensonge, le vol, la lubricité, l’ivrognerie, la violence, le meurtre… Il n’y a pas de crimes que je n’aie commis.
« Et pour tout cela on me louait, on m’appré-