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VIE ET ŒUVRE

tant de fois, dans les moments tristes où l’âme se soumettait en silence à la puissance du mensonge et de la dépravation de la vie, tu te révoltais spontanément et audacieusement contre toute injustice, tu dénonçais le passé, tu indiquais, en le faisant aimer, le point lumineux du présent, et promettais pour l’avenir le bien et le bonheur, voix tendre et consolante, cesseras-tu jamais de résonner[1] ? »

Nous savons que pour le bonheur de Léon Nikolaievitch lui-même et de nous tous, cette voix ne se tut point en lui un seul moment, et jusqu’à ce jour cette voix consolante nous appelle et nous dirige vers un idéal clair, infini.

Par moments, ces rêves exprimaient clairement les tendances de ce naturalisme idéaliste, qui est à la base des plus grandes œuvres de Tolstoï :

« Mais la lune monte de plus en plus haut et devient de plus en plus claire ; l’éclat superbe de l’étang augmentant également devient aussi de plus en plus brillant ; les ombres se font plus noires, la lumière plus transparente ; et, en regardant et écoutant tout cela, quelque chose me dit qu’elle, avec ses bras nus et ses chaudes caresses, est loin d’être tout le bonheur ; que l’amour pour elle est loin d’être tout le bien… Et plus je regardais l’astre de la nuit, plus la vraie beauté et le bien me semblaient plus hauts et plus hauts, plus purs et plus purs, et plus près de Lui, source de toute beauté

  1. Œuvres complètes du comte L.-N. Tolstoï, P. V. Stock, éditeur, tome ii, la Jeunesse, pp. 14-15.