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LÉON TOLSTOÏ

le poussèrent très tôt à la dévotion, mais dès la première année de sa vie universitaire il s’adonna aux pratiques religieuses, fréquenta l’église, et cela avec la fougue qu’il apportait en tout. Il commença à jeûner, ne manqua plus un office, et vécut d’une façon encore plus austère.

« Mitenka devait posséder ce trait précieux de caractère qui, je le suppose, existait chez ma mère, que je connaissais en Nikolenka, et dont j’étais totalement privé : l’indifférence absolue pour l’opinion des gens. Moi, jusqu’en ces derniers temps, je n’ai jamais pu me débarrasser du souci de l’opinion des gens, tandis que Mitenka n’y faisait nulle attention. Je ne me rappelle pas avoir jamais vu sur son visage ce sourire contenu qui se montre involontairement quand on vous loue. Je revois toujours ses grands yeux sérieux, calmes, tristes, parfois durs. Ce ne fut qu’après Kazan que nous commençâmes à faire attention à lui, et encore parce que Serge et moi attachions une grande importance au « comme il faut », à l’extérieur, alors que lui était négligé, sale, ce pour quoi nous le blâmions. Il ne savait pas danser et ne voulait pas l’apprendre. Étant étudiant il n’allait jamais dans le monde. Il ne portait que l’uniforme d’étudiant avec la cravate étroite, et dès la jeunesse parut chez lui un tic : il secouait la tête, comme s’il voulait se dégager de sa cravate.

« Sa première bizarrerie se manifesta pendant les premières semaines saintes. Il ne fit pas ses dévotions à l’église de l’Université, qui était à la