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VIE ET ŒUVRE

devrait être envoyé à l’écurie, ce qui, dans le langage de ce temps, voulait dire fouetté.

« À Kazan ses particularités commencèrent à se montrer. Il travaillait bien, régulièrement, écrivait très facilement les vers. Je me rappelle qu’il traduisait très bien Schiller, mais il ne s’attacha pas beaucoup à ce travail de traduction. Il se mêlait peu à nous. Il était toujours calme, sérieux, pensif. Je me souviens qu’une fois il s’anima beaucoup et les fillettes s’en montrèrent enchantées. J’en eus de l’envie et pensai que cela tenait à ce qu’il était toujours sérieux et je voulus l’imiter en cela. Notre tutrice avait eu une idée très sotte : attacher à chacun de nous un enfant pour qu’il nous soit un serviteur dévoué. À Mitenka on avait donné Vanuchka. (Ce Vanuchka vit encore.) Mitenka, souvent, se conduisait mal avec lui. Il me semble même qu’il le frappait. Je dis il me semble, parce que je ne me le rappelle pas. Je me souviens seulement de son repentir pour quelque faute envers Vanuchka et ses humbles supplications de pardon. Il grandissait ainsi, se liant très peu avec personne et, sauf dans les moments de colère, toujours doux, sérieux, et ses grands yeux pensifs. Il était de haute taille, assez maigre, pas très fort, les bras longs, le dos voûté. Ses bizarreries commencèrent au moment de son entrée à l’Université. Il avait un an de moins que Serge, mais il entra en même temps que lui à l’Université et suivit son aîné à la Faculté de mathématiques. Je ne sais pas quelles circonstances