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LÉON TOLSTOÏ

jours Serge, commençai à me dépraver. (J’en recauserai aussi, après). Non seulement à Kazan, mais auparavant, je m’occupais beaucoup de mon extérieur. Je tâchais d’être mondain, comme il faut. Et il n’y avait pas trace de cela en Mitenka. Il semble n’avoir jamais souffert des vices habituels aux enfants. Il était toujours sérieux, pensif, pur, résolu, emporté, et, quoi qu’il fît, il y mettait toutes ses forces.

« Quand il lui arriva d’avaler la chaînette, je me souviens qu’il ne s’inquiéta nullement des conséquences que cela pouvait avoir, tandis que je me rappelle quelle terreur j’éprouvai en avalant un noyau de pruneau que tante m’avait donné, et avec quelle solennité, comme avant la mort, je lui annonçai ce malheur. Je me souviens encore qu’étant enfants, un jour que nous glissions sur les montagnes en traîneaux, un passant, au lieu de prendre la route avec sa troïka, s’engagea sur cette montagne. Je crois que c’était Serge avec un gamin du village qui s’était lancé, et, ne pouvant retenir le traîneau, ils roulèrent sous les chevaux. Ils en furent quittes pour la peur, et la troïka continua son chemin. Nous tous étions occupés de l’événement : comment nous nous dégageâmes des chevaux, comment un cheval s’effraya, tandis que Mitenka (il avait neuf ans) s’approchant du passant se mit à l’injurier. Je me rappelle combien je fus surpris désagréablement quand je l’entendis dire que pour avoir osé gravir la montagne l’homme