Page:Biriukov - Léon Tolstoï, vie et oeuvre 1.djvu/211

Cette page a été validée par deux contributeurs.
163
VIE ET ŒUVRE

remarquais pas et ne me souviens pas de lui. Je pense, et même je le sais, surtout par mon expérience d’enfance, que l’amour pour les hommes c’est l’état naturel de l’âme, ou plutôt le rapport naturel envers tous les hommes, et, quand il en est ainsi, nous ne le remarquons pas. L’amour ne s’observe que quand on n’aime pas (c’est-à-dire quand on a peur de quelqu’un : ainsi moi j’avais peur des mendiants, d’un certain Volkonski, qui me pinçait les joues, et il me semble que je n’avais plus peur de personne d’autre), ou quand on aime quelqu’un particulièrement, comme j’aimais tante Tatiana Alexandrovna, mon frère Serge, Nikolenka, Basile, la bonne Prascovie Issaievna, Pachenka. Comme enfant je ne me rappelle rien de particulier sur Dmitri, sauf la gaieté enfantine. Ses particularités ne se manifestèrent, et ne me sont mémorables, qu’une fois à Kazan, où nous allâmes en 1840. Il avait alors treize ans. Avant cette date, à Moscou, je me rappelle qu’il ne s’emmourachait pas comme moi de Sérioja, qu’il n’aimait ni les danses, ni les spectacles militaires, ce dont je reparlerai, et qu’il étudiait bien et avec zèle. Je me rappelle que l’étudiant qui nous donnait des leçons, Poplonski, disait de nous trois, à propos des études : Serge veut et peut, Dmitri veut et ne peut pas (c’était faux), et Léon ne veut pas et ne peut pas (c’était la vérité absolue).

« Ainsi mes vrais souvenirs sur Mitenka commencent seulement à Kazan. Là, moi qui imitais tou-