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LÉON TOLSTOÏ

de la piste. Ils allèrent d’abord au pas, puis au trot. On fit venir ensuite un petit cheval, un alezan à la queue coupée court ; il s’appelait Tchervontchik.

« L’écuyer se mit à rire et me dit :

« — Et bien, cavalier, montez !

« J’étais à la fois joyeux et inquiet et m’efforçais que nul ne s’aperçût de mon trouble. Longtemps j’essayai de mettre le pied dans l’étrier, mais je n’y pouvais parvenir parce que j’étais trop petit. Alors l’écuyer me souleva dans ses bras, et me mit en selle.

« — Monsieur n’est pas lourd, deux livres, pas plus, dit-il.

« D’abord, il me tint par le bras, mais, ayant remarqué qu’on ne tenait point mes frères, je le priai de me lâcher.

« — Vous n’avez donc pas peur ? me dit-il.

« Certes, j’avais très peur, mais je répondis :

« — Pas du tout.

« Ce qui m’épouvantait le plus, c’était que Tchervontchik dressait à tout moment l’oreille. Je le croyais fâché contre moi.

« — Soit, me dit l’écuyer, mais prenez garde, ne tombez pas.

« Et il me lâcha. Au commencement Tchervontchik allait au pas et je me tenais droit. Mais la selle vacillait et j’avais peur de glisser.

« — Eh bien ! Vous sentez-vous ferme ? me demanda l’écuyer.