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VIE ET ŒUVRE

« Alors le sous-maître hochant la tête, dit :

« — Ah ! monsieur, vous n’avez pas de pitié ! Pourquoi faire galoper ce cheval ? Il a vingt ans. Il est accablé de fatigue, il respire à peine, il est vieux, très vieux !… C’est comme Pimen Timothéitch[1]. Monteriez-vous sur Pimen Timothéitch et le lanceriez-vous au grand galop, à coup de cravache ? N’auriez-vous pas de pitié ?

« Je me souvins de Pimen et j’obéis au sous-maître. Je descendis de cheval, et quand je vis la pauvre bête, les flancs en nage, respirant avec peine de ses naseaux et agitant sa queue courte et fournie, je compris combien il avait dû souffrir. Moi qui le croyais aussi joyeux que moi !… J’éprouvai tant de pitié pour Voronok que j’embrassai son cou tout mouillé de sueur, en lui demandant pardon de l’avoir battu[2]. »

Dans le récit : Comment j’appris à monter à cheval, Léon Nikolaievitch se rappelle sa première leçon au manège où il était allé avec ses frères. L’écuyer se montra d’abord étonné de sa petite taille, mais, vu son obstination, il consentit à lui donner une leçon.

« Bientôt on amena trois chevaux sellés. Après avoir ôté nos manteaux, nous prîmes l’escalier qui descendait au manège. L’écuyer tenait le cheval par la longe, et mes frères chevauchaient autour

  1. Vieillard nonagénaire qui vivait à la campagne.
  2. Œuvres complètes du comte L.-N. Tolstoï. Stock, éditeur, tome xiv, le Vieux cheval pp. 162-163.