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VIE ET ŒUVRE

extraordinaire, vu l’étiquette observée pendant le dîner, que nous tous comprîmes qu’un grand malheur devait être arrivé, et comme Léon était absent, nous étions sûrs qu’il s’agissait de lui, et, en tremblant, nous attendions ce qu’on allait nous annoncer. Bientôt, en effet, tout s’expliqua, et voici ce que nous apprîmes.

« Léon, on ne sait comment, avait imaginé de sauter par la fenêtre, d’une hauteur d’environ cinq mètres, et, afin que personne ne l’en empêchât, il était resté seul dans la chambre après que tous furent partis dîner. Il grimpa sur la fenêtre ouverte de la maisonnette et sauta dans la cour. La cuisine était dans le sous-sol, et la cuisinière, qui se trouvait près de la fenêtre quand Léon tomba sur le sol, ne comprenant pas tout de suite ce qui était arrivé, appela le maître d’hôtel, et quand on entra dans la cour on trouva Léon étendu sans connaissance. Par bonheur, il ne s’était rien brisé, il en fut quitte pour une légère secousse cérébrale. La syncope se transforma en sommeil, il resta couché dix-huit heures consécutives et s’éveilla très bien portant. On s’imagine l’inquiétude et la crainte que causa à toute la famille cet acte irréfléchi du petit original. »

Une autre fois, il lui prit fantaisie de se couper les sourcils, et il le fit se défigurant tout à fait, lui qui n’était jamais très beau, ce qui l’attristait même beaucoup étant jeune. « Une fois, raconte Marie Nikolaievna, que nous allions en troïka de Pirogovo à Iasnaia, pendant l’un des arrêts, Léon des-