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LÉON TOLSTOÏ

et cet élégant Mitka, un mois après, se transformait en un simple paysan en lapti, faisant la corvée, labourant, fauchant, ensemençant, et, en général, portant le joug pénible d’alors. Et tout cela sans la moindre plainte, avec la conviction qu’il en devait être ainsi et qu’il n’en pouvait être autrement. »

Ce fait fut l’un de ceux qui contribuèrent beaucoup à inspirer à Léon Nikolaievitch le respect et l’amour qu’il ressent pour le peuple.

Voici encore deux épisodes qui m’ont été racontés par Tolstoï lui-même et qui, d’après lui, ont jeté dans sa jeune âme le grain du doute, du mécontentement et de l’étonnement devant l’injustice et la cruauté des hommes qui alors étaient pour lui « les aînés », « les grands » et, par cela même, étaient pour lui des « autorités ». Et ces « autorités » déjà commencèrent à perdre de leur prestige.

Encore enfant il souffrit personnellement de cette injustice de l’admiration pour l’extérieur et du mépris pour tout ce qui est modeste, invisible, injustice à laquelle l’enfant est si sensible et qui, particulièrement à cette époque, l’invite aux pensées sérieuses et donne la poussée à son développement moral.

Un des cas pareils fut l’arbre de Noël chez les Chipov, où les enfants Tolstoï avaient été invités, comme parents éloignés. Ils venaient de perdre leur père et leur grand-mère ; ils étaient orphelins sous la tutelle de leur tante, et leur situation de fortune était assez modeste, aussi étaient-ils assez