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VIE ET ŒUVRE

il était enfant. Notre jeu favori avec lui c’était de jouer aux soldats[1]. »

Voici comment L.-N. Tolstoï décrit la période tournante de son développement : le passage de l’enfance à l’adolescence.

« Vous est-il arrivé, lecteurs, de remarquer que subitement, à une certaine époque de la vie, notre point de vue sur certaines choses change complètement ? Les objets que nous avons vus jusqu’ici subitement se tournent vers nous d’un côté que nous ne connaissions pas.

« Pour la première fois, un semblable changement moral s’opéra en moi pendant notre voyage, à partir duquel se place le commencement de mon adolescence.

« Pour la première fois, très clairement, m’est venue en tête la pensée que ce n’est pas nous seulement, c’est-à-dire notre famille, qui vivons dans le monde, que ce n’est pas autour de nous seuls, que s’agitent tous les intérêts de ce monde, mais qu’il existe une autre catégorie d’hommes, qui n’a rien de commun avec nous, qui ne s’occupe pas de nous, et qui n’a pas même l’idée de notre existence. Sans doute je savais auparavant tout cela, mais je n’en avais jamais eu conscience comme maintenant[2]. »

C’est dès ce bas âge que paraissent les raisonne-

  1. Addition faite par L.-N. Tolstoï à la lecture du manuscrit.
  2. Œuvres complètes du comte L.-N. Tolstoi, V. Stock, éditeur tome i, l’Adolescence, pages 214-215.