aimait aussi mais moins passionnément, et estimait davantage.
En parcourant la nouvelle l’Enfance, nous y trouvons la description d’un sentiment particulier : l’amour de Nicolas Irténiev pour Serge Ivine. Voici sous quelles couleurs vives Tolstoï nous dépeint cet amour : « Un attrait irrésistible m’entraînait vers lui ; le voir suffisait à mon bonheur, et pendant un certain temps, toutes les forces de mon âme furent consacrées à ce désir ; quand il m’arrivait de passer deux ou trois jours sans le voir, je commençais à m’ennuyer, et je devenais triste à pleurer. Tous mes rêves, dans le sommeil ou dans la veille, étaient de lui. En me couchant je désirais le voir dans le sommeil ; quand je fermais les yeux, je le voyais devant moi et je caressais cette vision avec le plus grand plaisir ; à personne au monde je ne me serais décidé à confier ce sentiment qui m’était si cher. Peut-être parce qu’il lui était désagréable de toujours sentir peser sur lui mes yeux inquiets, ou peut-être parce qu’il n’éprouvait pour moi aucune sympathie, il préférait jouer et causer avec Volodia qu’avec moi. Mais j’étais quand même content, je ne désirais rien, je n’exigeais rien et j’étais prêt à sacrifier tout pour lui[1]. »
« Sous le nom des Ivine, j’ai décrit les enfants du comte Pouschkine, dont un, Alexandre, est mort ces jours-ci. C’est celui qui me plaisait tant quand
- ↑ Œuvres complètes du comte L.-N. Tolstoï. Stock, éditeur, tome ier, l’Enfance, page 114.