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LÉON TOLSTOÏ

femme de chambre devait faire. Pour la nourriture, l’habillement, elle était si simple, si peu exigeante, qu’on ne peut se l’imaginer.

« Il m’est désagréable de le dire, mais j’ai gardé de mon enfance le souvenir d’une odeur particulière, âcre, qui se dégageait de ma tante, causée sans doute par la négligence de sa toilette. Et c’était cette gracieuse et poétique Aline, aux beaux yeux bleus, qui aimait à lire et recopier les vers français, à jouer de la harpe, et qui avait toujours un succès fou au bal.

« Je me rappelle qu’elle était toujours également accueillante et bonne avec tous, qu’elle ait affaire à des personnages importants ou à des pèlerins. Je me rappelle comment son beau-frère Uchkov aimait à la plaisanter et un jour lui envoya de Kazan une grande boîte, dans laquelle s’en trouvait une seconde, puis dans celle-ci une troisième, etc. jusqu’à une toute petite dans laquelle reposait sur de l’ouate un moine en porcelaine. Je me rappelle combien mon père riait en montrant cet envoi à ma tante. Je me rappelle aussi qu’une fois, pendant le dîner, mon père raconta comment ma tante et la cousine Moltchanova avaient poursuivi dans l’église un prêtre qu’elles vénéraient afin de recevoir sa bénédiction.

« Mon père racontait que Moltchanova avait arraché le prêtre des degrés de l’autel, qu’il s’était enfui par la porte nord, que Moltchanova l’avait poursuivi et qu’Aline l’avait rattrapé ici. Je me